Evelyn a vingt-cinq ans, un époux, une belle famille et un enfant de cinq ans.
Quand elle était jeune fille, elle avait la compagnie des forêts de l’Alaska, de la poésie de la nature et de Pan, un faune mystique.
Un jour, il disparut.Elle n’aurait jamais cru que la créature irréelle surgirait à nouveau dans sa vie et agiterait en elle ces émotions fantasmatiques et sensuelles.
A mi-chemin entre la civilisation et la nature, sous le couvert des arbres glacés, Evelyn devra faire face à des choix terribles. Trouvera-t-elle son chemin dans l’ombre ?
Les Éditions ActuSF nous font le plaisir cette année de rééditer Le Dieu dans l’Ombre de Megan Lindholm (un des deux alias de Robin Hobb), un roman paru initialement en 1991 et édité pour la première fois en France en 2004, et je les remercie vivement pour le service presse !
C’est un roman écrit à la première personne où l’on suit le parcours d’Evelyn, une jeune femme différente des autres, entre les souvenirs de son enfance en Alaska dans les années 60 et son séjour éprouvant chez sa belle famille qui possède une ferme dans l’État de Washington vers la fin des années 70. En effet, supposé durer un mois, celui-ci va s’étirer au fil de manipulations psychologiques exercées par la fameuse belle famille sur Evelyn, son époux Tom et son fils, Teddy. Et Evelyn étouffe face à son beau père tyrannique, à sa belle mère et à ses belles sœurs parfaites chacune dans son genre, elle qui ne s’est jamais sentie tout à fait à l’aise avec les autres, qui ne se trouve pas belle et ne rêve que de nature sauvage.
Le personnage d’Evelyn est très réussi. Je me suis rapidement identifiée à cette jeune femme à la marge depuis son enfance, qui a toujours favorisé les rapports plus simples avec les animaux aux rapports humains et qui souhaite juste vivre sa vie tranquillement, dans une petite maison perdue proche de la forêt, en compagnie de son époux et de son fils. Certaines parties du récit de son enfance sont à la fois emplies d’injustices mais également d’un appel d’air énorme, d’un désir de liberté et de nature très puissants. Evelyn est qui plus est une jeune femme intelligente, sensible et avec une bonne capacité d’analyse. J’ai beaucoup aimé suivre l’évolution de ses réflexions au sujet des personnages qui constituent son entourage.
De plus, Megan Lindholm démontre encore une fois la subtilité qu’elle est capable de mettre en oeuvre. Grâce à la finesse psychologique des personnages et leurs interactions se dessine le récit d’un enfermement par la manipulation, où la volonté d’une personne peut se retrouver annihilée à force de petits renoncements, de remarques mesquines mais pas trop, de doutes distillés au compte gouttes. Mais petit à petit, la nature reprend ses droits. Evelyn n’est pas une idiote : c’est une femme qui suit son instinct et elle est, depuis l’enfance, appelée par quelque chose de plus grand.
J’ai beaucoup aimé et ai été totalement emportée par ce roman peu connu de l’autrice qui prend aux tripes dès le départ et laisse la part belle à de grands et beaux moments de poésie. L’écriture est fluide, le rythme lent pour que l’univers s’installe en douceur et que les rebondissements de l’histoire soient d’autant plus frappants. J’aime les rythmes lents (je n’ai pas dit ennuyants) qui laissent à l’univers et aux personnages le temps de respirer, de vivre, d’être réels. Qui ancrent le lecteur dans leur quotidien jusqu’à l’impliquer totalement. Dans des univers où, même si dans la réalité il fait 50°, on ressent le froid des personnages glacés jusqu’aux os par une longue marche en hiver. Où, si je passe ma journée affalée sur la canapé à boire des litres de thé en lisant, j’ai en fait la sensation d’avoir parcouru des kilomètres dans des conditions invraisemblables avec les protagonistes. Et Megan Lindholm est franchement très douée de ce côté-là.
Par contre, l’autrice n’épargne pas grand chose à son personnage principal et je reste fâchée avec la fin, pour moi inutilement « trop » triste et qui m’a laissée en larmes une bonne dizaine de minutes. Je la sentais venir, cette fin, j’étais certaine que ce serait ça, j’étais absolument persuadée que l’autrice voulait faire subir ça à Evelyn et au lecteur par envie de générer des torrents de larmes de façon un peu artificielle. Un peu artificielle ? Oui car pour moi il y avait une autre voie tout à fait réaliste, un peu plus douce qu’amère, sans être un happy ending à gros sabots et tout aussi émouvante.
Car là on s’aperçoit que cette jeune femme extrêmement résiliente (un peu trop parfois ?) n’est en vérité à aucun moment réellement maîtresse d’elle-même et de son destin, tout comme les autres personnages féminins du roman d’ailleurs. Elle subit des décisions qui lui sont imposées par les mâles, par le biais de la manipulation ou en la mettant devant les faits accomplis sans l’avoir informée au préalable des tenants et aboutissants. Elle est totalement dépossédée de certains choix tellement importants et vitaux ! C’est extrêmement frustrant et si elle tait son désir de révolte en comprenant que ça ne servirait à rien, à aucun moment une proposition qui me semble évidente et aurait moins un goût de « tout ça pour ça » n’est émise dans les dernières pages.
J’ai donc pleuré de tristesse, mais aussi de rage, de frustration, d’envie de secouer les personnages et de leur mettre certaines vérités sous le nez tout en étant envahie par un fort sentiment d’injustice. Puis je me suis souvenue que c’était un roman, que ces personnages n’existaient pas vraiment et que je n’avais pas à me mettre dans tous ces états donc j’ai arrêté de pleurer. MAIS QUAND MÊME !
Je souhaite saluer la superbe illustration de couverture par Lucian Stanculescu. C’est magnifique et assez représentatif du roman !
Ma conclusion :
- Un très bon récit de Megan Lindholm empli de poésie et d’amour de la nature
- Des personnages bien construits, tout à fait crédibles et subtiles
- Une fin qui ne me laisse VRAIMENT pas en paix
Le Dieu dans l’Ombre, Megan Lindholm, Éditions ActuSF, 539p., 20,90€, ISBN 978-2-36629-467-5
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Woaw, il a l’air vraiment fort ce roman. J’aime bien Robin Hobb, il faudrait que je m’y remette à l’occasion, pourquoi pas avec celui-là.
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Oui il est très fort ! Et puis ça permet de se remettre à du Robin Hobb sans attaquer un cycle de 50 tomes aussi. Tu me diras ce que tu en penses si tu le lis 🙂
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Of course ^^
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