Issu d’une famille de pêcheurs, Liesse doit quitter son village natal à la mort de son père. Fruste mais malin, il parvient à faire son chemin dans le comptoir commercial où il a été placé. Au point d’être pris comme secrétaire par Malvine Zélina de Félarasie, ambassadrice impériale dans l’Archipel, aristocrate promise aux plus grandes destinées politiques. Dans le sillage de la jeune femme, Liesse va s’embarquer pour un grand voyage loin de ses îles et devenir, au fil des ans, le témoin privilégié de la fin d’un Empire.
Un long voyage, édité Aux forges de Vulcain, est le premier roman de l’autrice française Claire Duvivier, par ailleurs éditrice chez Asphalte. Ce roman est paru en mai dernier et fait depuis sensation dans la blogosphère, ce qui a naturellement suscité ma curiosité, mon envie de me procurer l’ouvrage et le lire au plus tôt. Coup de bol, il fait 313 pages et rentre donc parfaitement dans le challenge S4F3 de Lutin.
Qu’est-ce que ça raconte ?
Liesse, dans ses vieilles années, écrit pour Gémétous les mémoires de Malvine Zélina de Félarasie, qu’il a eu le privilège de côtoyer et de très bien connaître. Malvine et son histoire semblent être importantes pour Gémétous mais, à travers Malvine, c’est aussi son propre destin, son histoire bien singulière qu’il nous narre.
Liesse est né sur l’île de Roh-henua, dans l’Archipel, qui compte en son sein le comptoir impérial de Tanitamo sur l’île de Tan-henua, première concession de l’Empire Quaïmite dans l’Archipel. Cet Empire se veut civilisé et a abolit l’esclavage depuis longtemps, au contraire de la Seconde Hégémonie, autre grande puissance politique présente non loin dans la région.
L’Empire, dont l’ancienne capitale, Haute-Quaïma, située dans les montagnes, a été déplacée et agrandie dans une autre région, à Grande-Quaïma, comporte six provinces et n’a plus d’empereur depuis fort longtemps, le dernier ayant été « Ravi ». Il a disparu, tout simplement, et aucun successeur n’a été désigné. L’Empire est dirigé depuis par une régence. Il reste cependant un certain nombre de familles issues de la noblesse qui ont du « sang impérial », descendants de cousins du dernier empereur.
L’histoire de Liesse commence à la mort de son père, un pêcheur, lors d’une sortie en mer, alors qu’il n’est qu’un enfant. Afin de rembourser le bateau que le père du garçon a coûté au village, il est décidé qu’il sera vendu aux impériaux ou tué (bouche supplémentaire à nourrir, tout ça tout ça).
Ayant pitié du garçon, deux Quaïmites (impériaux) en charge à ce moment-là du comptoir en l’absence du régisseur : Eguyon Vilherbe, le régisseur en second, et Merle Pyrart, son apprenti, décident, malgré les lois en vigueur contre l’esclavage, d’acheter l’enfant à sa mère désespérée. Il sera éduqué par leurs soins et grandira dans le comptoir de Tanitamo, n’étant ni un citoyen impérial, ni plus vraiment un membre de son peuple, et il passera sa vie à chercher un « chez lui » où il ne soit pas considéré comme un étranger.
Ce roman, pour moi, raconte le passage du temps et l’évolution inexorable des sociétés. Il parle de ceux qui voient les évolutions venir et sont prêts à les accompagner vers un potentiel « mieux » ou, au moins, un « moins pire », et ceux qui s’accrochent aux vestiges d’un passé qui déjà n’est plus. Le deuil et l’acceptation. Ici, l’héroïsme ne se manifeste pas par de grands faits d’armes ou des stratégies élaborées, mais par l’empathie, la compréhension et le fait, parfois, de ne pas lutter.
Verdict ?
Le souci, quand on entend énormément de bien d’un livre, c’est qu’on en attend parfois trop. Et j’ai sans doute trop attendu de me prendre une claque de la part d’Un long voyage qui fut tout de même une lecture prenante, agréable (je l’ai lu en une seule soirée…) et hautement recommandable, aussi bien aux amateurs de littératures de l’imaginaire qu’aux néophytes.
Claire Duvivier a le talent de raconter le temps d’une vie en 313 pages, sans que l’on ait l’impression que ça aille trop vite. Le récit prend son temps tout en étant très dense. L’autrice parvient également à faire comprendre le tragique de certaines destinées interpersonnelles en quelques phrases, quelques regards surpris par inadvertance quand les principaux intéressés se croyaient seuls. Et, assurément, les éléments d’ordre un peu plus « magique » du récit sont fascinants.
De plus, le côté intimiste du récit, qui s’intéresse à un personnage au destin peu ordinaire n’ayant rien d’un héros mais qui tente de mener sa barque et de se construire une jolie vie, est touchant. Le genre de personnage qui n’apparaîtra jamais dans les livres d’Histoire, simple témoin qui fait de son mieux comme tant d’autres autour de lui, tant d’autres eux aussi oubliés qui ont pourtant apporté leur pierre, parfois considérable, à l’édifice de la civilisation.
J’ai cependant plus été portée par ce que je qualifierais de façon tout à fait subjective comme la première (chapitres 1-4) et seconde (chapitres 5-12) partie du récit que par la dernière (chapitres 13-16), et j’y vois plusieurs raisons.
J’ai compris dès sa première apparition quelle était l’identité d’un certain personnage, et donc peu ou prou deviné la toute fin.
Je crois aussi que le fait que petit à petit, les personnages auxquels je m’étais attachée disparaissent du récit pour une raison ou pour une autre a contribué à un certain détachement émotionnel, d’autant que je ne suis pas parvenue à me soucier réellement de ceux qui apparaissaient à partir du chapitre 5.
Et enfin, je suis ressortie quelque peu frustrée par le traitement des éléments « magiques » du récit. C’est quelque chose d’assez immense, avec des répercussions possiblement énormes qui justifieraient amplement l’existence d’autres histoires au sein du même univers. Il y a beaucoup d’histoires et d’Histoire autour d’Un long voyage, récit intimiste qui se concentre sur celles de Liesse et une partie de celle de Malvine, et j’en reprendrais bien un peu !
Un long voyage, Claire Duvivier, Aux forges de Vulcain, 313p., 19€, ISBN : 978-2-373-05080-6
Illustration de couverture par Elena Vieillard
Retrouvez d’autres avis chez Célindanaé, Just A Word, Charybde, Thomas Spok, Chut… Maman Lit !, Yvan, Tigger Lilly, Antigone, Anouk, Brize, FeyGirl, Lucille, Le Chroniqueur, Loeildem, Maman, tu lis quoi ?, Garoupe, Flaubauski, Poutine Hurlante, Gromovar, Lune, Le syndrôme quickson, vous ?
Cette chronique fait partie du challenge S4F3
Merci pour le lien ! 🙂
Effectivement, ce serait intéressant de voir cet univers s’approfondir, parce que l’élément magique est vraiment hyyyyyyper intéressant ^^ .
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Mais oui tellement !!! Contente de voir que tu y perçois aussi pas mal de potentiel 😁
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Y a un potentiel fou, c’est de la pure technomagie 😀 !
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Mais complètement ! On se demande comment pourquoi et tout et tout. Les savoirs perdus ça me rend toujours très curieuse. (Un peu comme chez Davoust…)
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Exactement ouaip 🙂 .
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Je commence à me dire qu’il est difficile de recommander fortement un livre que l’on a adoré sans que la personne conseillée en attente trop et ne soit au final déçue 🤔
Mais je suis d’accord avec toi et Marc, il y a encore beaucoup de potentiel dans ce récit et cet univers 🙂
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Je comprends, j’ai toujours peur que quelqu’un claque 20 ou 30 balles sur seule foi de mon avis, dans un bouquin que j’aurais complètement encensé et auquel la personne n’accrocherait pas du tout !
De mon côté j’essaie de ne rien lire sur les livres avant de les entamer, mais celui-ci je l’ai tellement vu passer en mode « wahou », et jusqu’à la libraire et un acheteur dans la librairie qui me disaient « trop bien excellent choix », que du coup je m’attendais à un gros wahou, une claque, et n’ai eu qu’un très bon moment de lecture et découvert une autrice à suivre. Ça provoque forcément une petite déception.
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C’est toujours compliqué les attentes quand on lit un livre qui nous a été conseillé (ou qu’on nous a vendu d’une certaine façon, par exemple avec une couverture qui trompe sur la marchandise). Je pense être relativement arrivée à me détacher de ça. Je déteste l’impression que cela procure, c’est très désagréable, du coup, j’essaie d’aborder le livre sans penser à tout ce qu’on m’en a dit (en ayant fuit au préalable le plus possible ce qu’on en dit, à partir du moment où j’ai décidé de le lire) et d’éviter d’attendre d’y trouver des choses en particulier dedans.
Au final c’est une lecture agréable et un univers dans lequel tu replongerais bien. C’est plutôt positif ^^
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Oui tout à fait ! En général je ne lis même plus les 4eme de couverture d’ailleurs. Et ne lis pas les avis de blogueurs avant de commencer un livre qui me fait envie.
Mais là même la libraire et l’autre client à la caisse m’ont fait « c’est génial vous allez voir » avec des étoiles dans les yeux. Donc dur de ne pas attendre un gros coup de coeur.
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Haha oui je comprends. Quand on me dit ce genre de chose je retraduis toujours en « j’ai trouvé ça génial, j’espère vraiment que tu vas aimer aussi ».
Je suis pas très 4ème de couv non plus ^^
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J’ai eu la chance de le lire en avant première, donc sans aucun écho préalable, et j’ai été emballée 🤩 !
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L’éternel problème des attentes….. J’ai résolu partiellement le problème en attendant que la hype autour de certains livres se dissipent pour les lire ^^
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À mort les blogueurs !
Enfin sauf toi, toi je te remercie de refaire quelque peu baisser mes propres attentes et donc de participer à ce que mon futur plaisir de lecture augmente. Par contre arrêtez de vouloir d’autres textes dans le même univers, je veux lire un vrai one-shot moi.
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Haha vive moi !
En fait je suis assez frustrée quand on esquisse un super univers avec un système magique qui a l’air vraiment intéressant mais n’est justement qu’esquissé.
Ça me donne envie de comprendre le pourquoi du comment et explorer plus en profondeur.
Et disons que là, y’a de la matière…
Hâte d’avoir ton avis !
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Merci pour cet avis un peu plus nuancé, j’attends un peu avant de me lancer pour éviter de me planter justement ^^
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Oui, il est entouré d’une grosse aura de hype et a visiblement provoqué une grosse claque à pas mal de monde, mais pas à tout le monde. En lisant d’autres avis nuancés, j’ai vu des personnes qui n’avaient pas accroché à la première partie du livre mais adoré la seconde. Moi ce serait plutôt l’inverse.
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