San Francisco, 1940. Six femmes, avocate, artiste ou scientifique, choisissent d’assumer librement leurs vies et leur homosexualité dans une société dominée par les hommes. Elles essayent de faire plier la ville des brumes par la force de leurs désirs… ou par celle de l’ori-kami. Mais en science comme en magie, il y a toujours un prix à payer quand la réalité reprend ses droits.
Ellen Klages est une autrice américaine de science fiction et de « fiction historique » (dixit sa page wikipédia) plutôt prolifique. Il me semble qu’elle est traduite pour la première fois en français avec Passing Strange et la nouvelle Caligo Lane qui complète cette novella parue en 2019 aux éditions ActuSF (je les remercie vivement au passage pour le Service Presse). Passing Strange a été, excusez-moi du peu, et pour citer la maison d’édition, « finaliste du prix Nebula avant de remporter les World, British Fantasy et Gaylactic Spectrum Award 2018. »
Passing Strange raconte l’histoire d’amour évidente et toute en douceur que vivent Emily et Haskel, deux femmes qui, comme tant d’autres, essaient de survivre dans le San Francisco sexiste, raciste et homophobe des années 1940. Elle raconte également les destins croisés des amies qui les entourent, sorte de sororité mêlant artistes et scientifiques où chacune s’arrange comme elle le peut avec le « socialement acceptable » afin de pouvoir aimer qui elle veut, embrasser la carrière de son choix, et, tout simplement, être la plus libre possible. Croyez-moi, ce n’est pas facile tous les jours.
La ville de San Francisco est ici un personnage à part entière, avec son quartier de Chinatown, ses marges tolérées comme le bar Chez Mona, premier bar lesbien dont les habituées sont considérées comme des bêtes de foire par les « bons citoyens » qui viennent s’y offrir exotisme et sensations fortes à peu de frais ou encore l’exposition internationale du Golden Gate, foisonnant d’art et de sciences.
La plume d’Ellen Klages est fluide, douce et subtile. Les personnages profondément humains et intéressants, et il me semble nécessaire de montrer la difficulté de la vie de ces femmes, que l’on raconte si peu, depuis leur point de vue. D’autant plus à une époque que l’on voit souvent représentée par le biais du film noir, un genre cinématographique très stéréotypé.
Je m’attendais par contre à une prédominance un peu plus nette de la partie « fantastique » et « magique » qui finalement, si elle est essentielle à l’intrigue et si son mode de fonctionnement semble intéressant, n’est que peu mise en avant, petite déception de ce côté-là.
La nouvelle qui complète cet ouvrage, Caligo Lane, se passe dans le même univers et reprend certains de ses personnages. Elle permet d’en apprendre un peu plus sur l’un des aspects magiques de l’oeuvre et sur les limites de cette magie.
Je ressors donc de ma lecture avec un goût de « c’est super intéressant, bien fouillé au niveau de l’ambiance avec cette atmosphère d’émulation intellectuelle et artistique, le racisme, le sexisme et l’homophobie y sont représentés de façon très frontale et brute, et puis les histoires de sororité et LGBTQI+ aussi subtiles, ça manque encore vraiment dans le paysage des littératures de l’imaginaire » et en même temps un goût de trop peu côté intrigue. J’aurais aimé plonger encore plus avant dans le quotidien de ces femmes, dans la magie étrange que certaines d’entre elles pratiquent et dans cette ville et époque que je méconnais totalement.
À noter qu’une interview de l’autrice vient compléter l’ouvrage et nous permet de mieux comprendre certains aspects et partis pris de l’intrigue !
Passing Strange, Ellen Klages, Éditions ActuSF, 250p, 18,90€, ISBN : 978-2366294804
Traduction par Eric Holstein
Illustration de couverture par Eiko Ojala
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Merci pour le lien 🙂 Ravie de voir que cette histoire séduit une lectrice de plus même si le peu de fantastique a dérouté pas mal de monde finalement.
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Oui, surtout avec le prix World fantasy awards (que je méconnais, j’avoue). J’imaginais que cette part là devait être vraiment importante.
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Je ne connaissais pas ce prix non plus mais de base le roman est présenté en imaginaire donc on s’imagine tout de suite qu’il a une place prépondérante même si finalement personne n’a jamais dit que c’était obligatoire ^^’ Ça m’avait fait réfléchir après ma lecture je me souviens.
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Je comprends tout à fait que le manque d’intrigue et d’imaginaire t’aient un peu manqué ^^ pour ma part l’atmosphère très particulière a suffi.
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Je l’ai terminé il y a quelques jours et je crois que je peux remercier tous les avis que j’ai pu lire et qui soulignaient la présence très faible de l’aspect fantasy, je n’ai du coup pas été déçu, bien au contraire – j’ai presque trouvé qu’il y aurait pu y avoir moins de magie, ahah. Une belle novella.
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Oui l’élément magique et soit de trop soit de pas assez. Contente que les différentes chroniques aient pu te préparer à apprécier au mieux celle novella 😊
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Pour ma part je suis restée un peu sur ma faim pour ce qui est de l’argument fantasy, mais ça reste un joli texte ^^
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100% d’accord avec toi ! Un joli texte qui laisse un peu sur sa faim.
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