Il fut un temps où cette ville était au centre du monde. Un temps où sa puissance se nourrissait du sang et du fer. Mais aujourd’hui elle n’est plus que rouille et elle attend la ruine. C’est un territoire parfait pour Willie Flambeaux et Randi Wade. Lui est agent de recouvrement, elle, détective. Mais lorsqu’une série de meurtres particulièrement atroces ensanglante cette ville qu’ils croyaient si bien connaitre, ce n’est plus dans le labyrinthe des rues qu’ils auront à mener l’enquête, mais dans les recoins les plus sombres de leurs propres passés. Là où se cachent leurs plus grandes peurs.
Skin Trade est une novella de 170 pages environ, écrite par George R. R. Martin, rééditée en version collector aux Éditions ActuSF en décembre 2019, et j’ai eu le bonheur de la recevoir en SP. Grand merci à Jérôme et Gaëlle !
Qui dit version collector dit jolie couverture cartonnée et signet en tissu. Je salue donc le bel objet, qui se pare d’une illustration aux accents de conte old school en préface. J’avais beaucoup aimé dans le même format À la pointe de l’épée d’Ellen Kushner et j’ai également un Royaume de vent et de colères de Jean Laurent Del Socorro qui patiente dans ma Montagne à Lire. Quand on les place les uns à côté des autres dans sa bibliothèque, c’est vraiment du plus bel effet, surtout quand on rêvait enfant d’avoir une immeeeeense bibliothèque à l’ancienne comme dans les films.
Skin Trade
Mais revenons à nos moutons. George R. R. Martin donc. Petit auteur méconnu mais qui monte, ayant écrit les premiers tomes d’une saga qui devrait bien marcher dans les années à venir, Le trône de fer, mais également d’autres excellents textes comme le sublime roman de SF L’agonie de la lumière, le magnifique roman vampirique Rêve de Fevre, la novella de SF Le Volcryn ou encore le sympathique fix-up Le Voyage de Haviland Tuf. Entre autres. Entre beaucoup d’autres même. Et Skin Trade. Novella publiée pour la première fois en 1989 et ayant remporté le World Fantasy Award la même année.
Skin Trade est une novella de fantasy urbaine ou bit-lit, comme l’indique Emmanuel Chastellière dans sa sympathique préface. Un polar qui revisite le mythe du loup-garou et mêle les genres de façon plutôt sympathique et équilibrée.
Tout commence par un meurtre particulièrement atroce (et vraiment gore). Randi Wade, détective privée au caractère bien trempé et Willie Flambeaux, agent de recouvrement, décident de mener l’enquête pour des raisons qui leur sont personnelles. Car voilà que certains détails du meurtre rappellent étrangement à Randi l’assassinat de son propre père, ancien inspecteur de police. Il semblerait également que Willie ait des liens dont il ne souhaite pas mentionner l’exacte nature avec la victime.
Et… la sauce prend. J’ai immédiatement été happée par cette histoire et l’ai dévorée en un soir (et j’ai eu un peu peur par moments, aussi). Le duo d’enquêteurs atypiques fonctionne bien, le portrait de chacun est brossé en quelques lignes et ils s’avèrent être aussi originaux qu’attachants. Tous deux sont des marginaux qui, chacun à sa façon, gardent une certaine distance envers l’univers dont ils sont issus, la voie qu’ils auraient « logiquement » du choisir, et ils essaient de survivre et de mener leurs barques comme ils le peuvent dans un monde qui ne leur a pas beaucoup fait de cadeaux. Un monde où la gloire d’antan n’est plus d’actualité, et où les privilégiés s’accrochent à l’histoire de leurs ancêtres comme des naufragés à un radeau. Sans doute pour ça que, malgré leurs différences, ils s’entendent si bien.
L’ambiance polar est quant-à-elle très réussie, l’enquête en elle-même, entre faux coupables et vrais salauds, est prenante et l’on ne peut que saluer le talent d’un auteur qui, décidément, sait tout faire. Un vrai bon page turner.
Le Volcryn – extrait
« J’ai senti cette chose dès mon arrivée à bord. Et cela empire. Cela me poursuit dans mes rêves. Il y a quelque chose de dangereux et d’étranger, Karoly, d’étranger ! »
Depuis des temps immémoriaux, les volcryns traversent la galaxie. Personne ne sait d’où ils viennent, où ils se rendent… ni même ce qu’ils sont vraiment.
Karoly d’Branin est bien décidé à être celui qui percera ce mystère. Entouré de scientifiques de talent, il embarque sur l’Armageddon. Mais bien vite les tensions s’accumulent. Quelle est cette menace sourde qui effraie tant leur télépathe ? Et pourquoi le commandant du vaisseau refuse d’apparaître autrement que par hologramme ?
Karoly est certain d’une chose : ses volcryns sont tout proches. Pas question de faire demi-tour. Quel qu’en soit le prix.
Maiiiiis, ce n’est pas tout. La maison d’édition offre en bonus à cette parution un extrait du Volcryn, autre novella du même auteur dont on peut retrouver le texte intégral dans la collection Hélios. À titre personnel, ayant acheté et lu cette novella lors de sa publication en 2010, comme, j’imagine, beaucoup d’autres lecteurs qui suivent activement les Éditions ActuSF depuis leur lancement, j’aurais préféré découvrir une nouvelle inédite de l’auteur.
Et le fait que ce texte soit coupé en plein milieu peut être particulièrement frustrant pour ceux qui, à l’inverse, ne l’ont pas déjà lu, ce qui les oblige s’ils souhaitent connaître le fin mot de l’histoire à acheter un nouveau livre, entier, pour lire l’intégralité d’une novella de 170 pages environ. Tout ça alors qu’ils ont déjà déboursé une somme conséquente dans l’achat d’un ouvrage certes beau, certes qualitatif, mais plutôt court quand on le compare à Royaume de vents et de colères et, plus encore, À la pointe de l’épée, avec lequel on a vraiment une belle édition intégrale.
Néanmoins, cet extrait pourrait avoir le bénéfice de décider des lecteurs peu convaincus par l’adaptation en série de la novella – apparemment assez mauvaise – mais attirés par la réputation de l’auteur, à offrir une chance au texte (dont je garde le souvenir d’une lecture plaisante).
Conclusion
En conclusion, Skin Trade est donc une belle surprise : à moins d’être absolument allergique au gore (il y a quelques scènes un peu dures de ce côté-là), ce texte pourra difficilement ne pas plaire tant l’auteur revisite avec talent les genres du polar, de la bit-lit et de l’horreur (dans une moindre mesure). Et si vous aimez les beaux objets-livres, le plaisir est doublé !
Skin Trade, George R. R. Martin, Éditions ActuSF, 248p., 20€, ISBN : 978-2-37686-201-7
Traduction par Annaïg Houesnard
Couverture par AMMO
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Merci pour la préface. 😉
Et pour la chronique !
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Hey merci pour le lien ! 😁
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L’extrait du Volcryn, ça fait quand même remplissage pour justifier la taille du bouquin. Parce que Skin Trade, je l’ai dans l’édition précédente et il n’est pas épais, en effet.
(merci pour le lien !)
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On est d’accord. Et autant là je l’ai pas acheté, mais si je l’avais acheté ça m’aurait agacée vu le prix de n’avoir en plus qu’une demi-novella. L’intégralité d’une nouvelle m’aurait semblé plus pertinent. Mais bon, ils ont les droits du Volkryn, pas de coût de traduction ou quoi, et ça poussera ceux qui ne l’ont pas lue à l’acheter alors c’est tout bénef, même si ça fait cheap pour une aussi belle édition.
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Merci pour le lien ❤
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C’était vraiment une excellente novella, merci pour le lien ^^
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