Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge.
Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.
Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu… Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang.
Les Meurtres de Molly Southbourne est une novella mêlant horreur et science-fiction parue dans la collection Une Heure Lumière du Bélial’, que je me suis décidée à acheter aux Utopiales suite à son obtention du prix Julia Verlanger 2019. En théorie, je n’achète en festival que des livres d’auteurs présents et Tade Thompson, en raison d’un empêchement d’ordre professionnel, n’a malheureusement pas pu venir. En théorie donc. Faire des exceptions à ses propres règles, c’est bien aussi. La preuve : j’ai adoré !
Petit point concernant l’auteur qui a une actualité plutôt prolifique. Tade Thompson est un psychologue britannique d’origine nigériane dont trois oeuvres ont été publiées en France en 2019 : Les Meurtres de Molly Southbourne au Bélial’, Rosewater et sa suite, Insurrection, chez J’ai Lu dans la collection Nouveaux Millénaires.
La suite de l’histoire de Molly, La Survie de Molly Southbourne, déjà parue en anglais, arrivera dans nos contrées en 2020, tout comme Rédemption, qui poursuit la série des Rosewater. Autant vous dire qu’on n’a pas terminé d’entendre parler de cet auteur, et c’est tant mieux !
La novella commence du point de vue d’un personnage plutôt mal en point, enfermé dans une cave et dans des conditions d’hygiène peu sympathiques. Celle qui semble être son ravisseur, Molly Southbourne, jeune femme au comportement étrange, va lui raconter son histoire, depuis son enfance jusqu’à l’instant présent.
En terme d’étrangeté, la vie de Molly est plutôt… chargée. La 4ème de couverture parle de « la pire des malédictions », et il est vrai que ce que doivent subir ce personnage et son entourage depuis sa plus tendre enfance relève du cauchemar absolu. Une vie où le danger, la mort et l’horreur sont partout un peu trop présents (je vous préviens, c’est sanglant), mais rendent en contraste pour les parents de la jeune femme chaque instant plus beau et plus précieux. L’amour et la capacité de résilience partagée par cette famille qui vit isolée dans une ferme m’a émue aux larmes.
Car malgré la « malédiction » qui s’abat sur eux et s’ils sont forcés d’adopter un mode de vie plutôt spécial et de commettre des actes qui pourraient sérieusement mettre à mal leur santé mentale, les parents de Molly ne sont pas uniquement dans la survie : ils avancent, profitent, s’aiment, font des projets, vivent et essaient de rendre leur fille heureuse malgré tout. Ils cherchent à la préserver en l’armant au mieux face au danger et en lui apprenant à se battre par elle-même pour rester vivante.
En fait, on peut y voir une métaphore de ce que tout parent devrait faire pour son enfant : lui donner les armes nécessaires à affronter la vie. Et un parallèle très clair avec le cas de parents d’enfants malades se dégage (l’hémophilie est souvent évoquée), des personnes dont le quotidien tourne autour de la préservation face à une multitude de dangers qui ne sont rien de plus que des éléments de vie banals pour d’autres. Se faire mordiller par le chien, s’écorcher les genoux en tombant, se cogner à l’angle un peu trop pointu d’un meuble, avoir ses règles… Pas bien grave, juste un mauvais moment à passer et rien de plus normal ?
Quand à Molly, les étapes qu’elle traverse, de l’obéissance à la curiosité, en passant par la révolte jusqu’à la pleine appropriation des enjeux, de son corps et de sa vie, si elles sont typiques des romans d’apprentissage sont pour le moins terriblement (voir sanglantement) bien amenées. Spoiler, à surligner pour voir le texte apparaître : Jusqu’à la perte de tous les repères et la nécessité de faire peau neuve, de se renouveler, de devenir autre pour survivre à ce que la vie lui a fait, parce que le soi actuel est en bout de course et qu’elle ne peut plus continuer ainsi.
Je ne peux bien évidemment pas vous en dire plus concernant l’intrigue sous peine de vous divulgâcher la surprise mais le traitement que l’auteur fait de l’élément horrifique est original, bien emmené. J’ai aimé le flou entretenu durant les premiers chapitres, le rythme est haletant (c’est le genre de livre que l’on ne peut plus lâcher une fois la lecture débutée), les personnages attachants, avec un côté féministe qui n’est pas pour me déplaire et j’ai franchement hâte de lire la suite. Et de découvrir les autres écrits de Tade Thompson. Il s’agit définitivement, avec Un Pont sur la Brume de Kij Johnson et Cérès et Vesta de Greg Egan, d’une de mes novellas préférées de la collection UHL.
Ma conclusion :
– Un récit très efficace appartenant aux genres de l’horreur et de la science-fiction (je l’ai terminé tard le soir seule dans mon appartement et j’étais pas hyper tranquille pour dormir)
– Une novella intelligente, profonde, puissante et engagée aux multiples sous-textes
– Un auteur dont la subtilité d’écriture me donne envie de découvrir d’autres récits
Retrouvez mon avis sur l’opus suivant, La survie de Molly Southbourne !
Les Meurtres de Molly Southbourne, Tade Thompson, Éditions Le Bélial’, 136p., ISBN : 978-2-84344-949-9
Illustration de couverture par Aurélien Police
Traduction par Jean-Daniel Brèque
Retrouvez d’autres avis chez Xapur, l’épaule d’Orion, Apophis, Le Bibliocosme, Quoi de neuf sur ma pile ?, La Bibliothèque d’Aelinel, Au pays des Cave Trolls, Ici, je suis ailleurs, Touchez mon blog, Monseigneur, Blog-O-Livre, Canal Hurlant, Lorhkan, Xeno Swarm, Albédo, OmbreBones, LE SYNDROME QUICKSON, Symphonie, Anne-Laure, vous ?
Merci beaucoup pour le lien ! Je rejoins entièrement ta conclusion 🙂
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Merci à toi 😁 Ouiii je suis contente d’avoir constaté que globalement il a été très apprécié dans la globosphère ! Et c’était intéressant de voir qu’il y a pas mal d’interprétations différentes suivant les sensibilités de chacub 👍 hâte de lire la suite 🤩
Perso ça ne me fait pas « bizarre » qu’il y ait plusieurs tomes en UHL parce que finalement y’a déjà des novellas comme Retour sur Titan ou Issa Elohim qui font partie d’un « tout », même si là ce sera plus marqué avec le côté série. Et on peut imaginer d’ici quelques années une intégrale.
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Quand je l’ai lu je ne connaissais pas encore bien la collection mais j’avais eu le sentiment que c’était dédié à des one shots. Entre temps j’ai eu l’occasion de l’explorer et de comprendre l’intérêt que ça n’en soit pas. Je suis très curieuse de lire ce que ça donnera 😊
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Je n’ai pas du tout aimé cette novella, je me suis ennuyée du début à la fin que j’avais deviné dés les premières pages.
Mais j’ai l’impression d’être un peu la seule xD
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Haha après les goûts et les couleurs… Je suis sûre que d’autres personnes sont dans ton cas également. Perso je l’ai lue sans même avoir pris connaissance de la 4eme de couv’ et j’étais persuadée que la personne attachée au début était un homme. Du coup j’ai été quand même surprise.
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Une agréable surprise pour moi aussi… et je n’ai pas trouvé ce texte si « horrible » que ça. Sanglant mais juste ce qu’il faut. Vivement la suite…
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Oui, tu as raison, et peut-être que pour des personnes habituées au genre Horreur et qui voudraient avoir peur ce serait un peu light de ce côté-là ?
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Pourtant je ne lis jamais d’Horreur et je n’aime pas en général mais ici ça passe bien.
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Idem ! Après je ne sais pas pour toi, mais pour moi ce n’est pas que je n’aime pas lire des romans du genre Horreur, c’est plutôt qu’ensuite je ne dors pas. Voire plus jamais.
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