La Machine de Léandre – Alex Evans

La Machine de Léandre

Constance Agdal, excentrique professeur de sciences magiques, n’aspire qu’à une chose : se consacrer à ses recherches et oublier son passé. Malheureusement, son collègue disparaît alors qu’il travaillait sur une machine légendaire. La jeune femme le remplace au pied levé et fait la connaissance de Philidor Magnus, un inventeur aussi séduisant qu’énigmatique. Bientôt, une redoutable tueuse et un richissime industriel s’intéressent à ses travaux, sans oublier son assistant qui multiplie les maladresses et un incube un peu trop envahissant…

La Machine de Léandre  d’Alex Evans est un roman qui mélange fantasy/magie et steampunk, publié dans la collection Bad Wolf des Éditions ActuSF, que je remercie pour l’envoi du service presse.

Avant tout, j’ai cru comprendre que l’autrice avait déjà écrit plusieurs ouvrages dans le même univers mais je ne les ai pas lus. C’est donc en totale néophyte que j’ai entamé ce court roman.

Point notable, le worldbuilding est franchement intéressant et plutôt original : la magie y est étudiée scientifiquement et est « fournie » par une sorte d’onde qui parcourt plusieurs univers et peut les déserter suivant un cycle précis. Seules quelques personnes ont le pouvoir de tresser ce flux, ceux que l’on nomme des chamanes, mais le commun des mortels peut ensuite utiliser les sorts ainsi fabriqués. Ceux que l’on considère comme étant des « démons » (gargouilles, incubes et autres dragons) sont en vérité les habitants d’univers parallèles s’étant déplacé via des « failles » créées soit volontairement, soit suite à la mauvaise utilisation d’un sort trop puissant.

Quand commence l’intrigue et dans l’univers où elle se situe, la magie reprend peu à peu pied après avoir déserté durant 400 ans. Durant ces 400 années, les États du nord ont développé leurs connaissances technologiques afin de pallier à l’absence de magie. Évidemment, tout cela a des impacts au niveau politique, religieux, sociétal, impacts que l’autrice nous laisse entrevoir. Cet univers, j’y vois un potentiel dingue en matière de développement d’intrigues complexes ! La perspective d’une force aussi puissante que la magie qui peut disparaître pendant des siècles, laissant des générations d’humains entières vivre avec le souvenir qu’elle a existé mais en sachant qu’ils ne la verront jamais de leurs propres yeux… C’est assez dramatique quand on y pense. Et propice à nourrir de nombreuses formes d’obscurantisme.

Mais revenons à nos moutons. On suit ici Constance, une scientifique solitaire qui étudie la magie et que sa curiosité de chercheuse va pousser à aller un peu plus « sur le terrain » afin de contribuer à reprendre et finir la création d’une machine débutée 4 siècles plus tôt. L’autrice a souhaité dépeindre une héroïne forte, qui sorte de l’ordinaire. Si c’est bien le cas par certains aspects, elle a 30 ans et est accomplie dans son métier, j’ai tout de même pas mal reconnu l’archétype de la femme maladroite socialement mais intelligente qui va attirer l’attention de plusieurs représentants du sexe masculin grâce à son originalité. Et de fait, une bonne partie du roman tourne autour de l’idée de romance.

Ce qui ne m’aurait pas tant gênée que ça siiii l’ensemble de l’intrigue avait eu un peu plus de consistance. C’est court, très court quand on pense à l’énormité de l’univers. Trop court. 180 pages en termes de numérotation, 169 vraies pages de lecture. Et l‘aventure en elle-même ne réserve pas de surprises, j’ai deviné à peu près le peu de retournements de situation présents avant même qu’ils ne se produisent.

Les personnages sont survolés et presque inexistants, tout au plus des caricatures que l’on ne voit pas vivre, que l’on ne ressent pas et auxquels il est par conséquent difficile de s’attacher. L’autrice nous décrit les liens entre eux plutôt que de nous les faire éprouver par le biais d’un quotidien dans lequel le lecteur pourrait se plonger. Elle nous informe qu’unetelle est une bonne amie du personnage principal par exemple, soit, mais ça reste très en surface. On ne le ressent pas, ne le voit pas par des gestes, des mots qui laisseraient deviner le poids de leur passé, des réflexions ou pensées approfondies qui pourraient à l’occasion d’ailleurs être contradictoires (je ne sais pas comment ça se passe dans vos têtes mais dans la mienne ça se contredit et ça nuance pas mal). C’est décrit, pas vécu. Tout au plus sait-on qu’elles ont fait les 400 coups ensemble plus jeunes, et ça s’arrête là. Il faut prendre pour acquis que ces personnages sont amies parce que c’est répété et répété, mais il ne se passe rien de concret et de profond pour nous le faire percevoir.

Or, à titre personnel, pour que des personnages de fiction deviennent palpables à mes yeux, me touchent et m’émeuvent, j’ai besoin de les sentir respirer. De vivre les moments banals de leur quotidien pour mieux les comprendre, m’immerger dans leurs histoires. Percevoir les différentes réactions comme coulant de source, non pas parce qu’on m’a dit que tel personnage était comme ceci ou comme cela, mais parce que je l’ai constaté et ressenti. Et c’est comme ça qu’une autrice ou un auteur qui construit habilement le quotidien de ses personnages peut rendre passionnantes des pages et des pages où il ne se passe… rien. Rien qu’une matinée dans un verger avec trois amis qui mangent des pommes, sur 10 pages, mais qui devisent gaiement, ne pensent pas forcément ce qu’ils disent, n’écoutent pas toujours avant de répondre, sont happés par leurs mondes intérieurs ou laissent planer des sous-entendus lourds de conséquences. Or, dans ce roman d’Alex Evans, ça manque vraiment de passages où il ne se passerait juste rien.

La Machine de Léandre manque par ailleurs également cruellement d’enjeux narratifs, de complexité, de développement, de matière. Et c’est tellement dommage ! Ça me donne un peu l’impression d’une ébauche avant étayage. Un peu comme si la première série Charmed s’arrêtait à son pilote. Et… voilà, c’est assez frustrant.

La nouvelle associée, La Chasseuse de livres, qui débute à la 181ème page pour une longueur de 69 pages possède à peu près les mêmes défauts. Attention, elle n’a aucun rapport avec La Machine de Léandre, si ce n’est qu’elle se déroule dans le même univers et à la même époque : on n’y trouve donc aucun personnage en commun. Cela m’a un peu perturbée et j’ai passé ma lecture à chercher les liens, mais non.

Pour moi, cette nouvelle est encore plus à l’eau de rose que le roman, façon « certes, je suis maladroite et inexpérimentée, mais tous les beaux bruns ténébreux intelligents sont secrètement amoureux de moi, même ceux que je semble insupporter à cause de ma spontanéité, et comme je suis hyper méga indépendante et ben bam, je les gifle, parce que je ne sais pas trop si j’ai envie de les embrasser ou de leur en mettre une ». Bon, je suis mauvaise langue, j’ai bien conscience qu’il y a un public pour cela et que je n’en fais juste pas partie. Mais pour moi c’est dommage parce qu’encore une fois il y avait du potentiel, notamment grâce à la situation politique de Tourmayeur, mais cela sert plus de prétexte à l’intrigue qu’à l’exploration et l’approfondissement de véritables enjeux.

Ma conclusion :

  • Un univers plutôt original et fascinant, avec un vrai potentiel
  • Des personnages qui manquent de consistance
  • Une intrigue vraiment faible dans laquelle je me suis très peu sentie impliquée

La Machine de Léandre, Alex Evans, Éditions ActuSF, 260p., 18,90€, ISBN 978-2-36629-474-3
Illustration de couverture par Dogan Oztel

Retrouvez d’autres avis chez Ombrebones, The Books Howl, La Grande Parade, Les carnets d’une livropathe, La Bibliothèque d’Aelinel, Maude Elyther 

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