Chronique initialement publiée le 2 juin 2011 sur mon ancien blog
Chers lecteurs,
J’aimerais vous parler ce soir d’un roman que je viens tout juste de terminer, Planète à louer de Yoss, publié par Mnémos sous la direction de Charlotte Volper, après traduction de l’espagnol par Sylvie Miller et paru le 21 janvier 2011 en France.
Yoss, l’auteur, est un cubain. Il a, par le passé, déjà été publié pour des nouvelles en France au sein du recueil Interférences chez Rivière blanche. N’ayant pas lu ledit recueil, je ne pourrai vous en donner un avis, mais, de ce que j’ai pu constater pour Planète à louer, Yoss maîtrise extrêmement bien la forme courte.
L’œuvre dont il est question ici est un roman choral. A savoir qu’il est divisé en 7 chapitres, chacun se concentrant sur l’histoire d’un personnage et, dans la plupart des cas, sur le moment où sa vie bascule irrémédiablement. Instant particulièrement propice à l’introspection et au changement.
Ces 7 personnages sont liés. Ils appartiennent tous à la race humaine et tentent, chacun à sa façon, de s’en sortir. Car la Terre sert désormais de paradis touristique à des extraterrestres tellement puissants qu’ils pourraient la détruire en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et dont le principal souci est de garantir le sous-développement scientifique de l’humanité.
Mais attention, dès la préface, l’auteur nous prévient. La science-fiction est ici choisie pour nous parler de Cuba et de la Terre. En nous narrant le présent de ses personnages, incapables d’envisager le moindre futur, il nous parle de notre présent et du présent de son pays. Et le récit est sombre, laissant peu de place au véritable espoir d’un lendemain meilleur, si ce n’est au prix de l’âme, de l’abandon des rêves exaltés de liberté pour un retour grinçant à la réalité. La traîtrise, le reniement, la solitude de l’exil.
Et la machine est implacable, s’entretenant d’elle-même par le biais de la fuite des cerveaux, de ceux qui pourraient y faire quelque chose mais sont trop désireux de vivre libres, sans contraintes et loin de leurs malheurs passés. Car après tout « Il faut bien vivre, non ?».
Au début de chaque chapitre, quelques pages, en italiques, ponctuent le récit. Elles ont pour vocation d’expliquer le système, depuis un point de vue qui n’est pas neutre mais dont on ne peut que soupçonner la provenance. Elles abordent brièvement divers sujets éloignés les uns des autres et permettent une perception globale des événements et du fonctionnement de ce système qui rend esclaves les habitants d’une planète entière.
De la même manière, grâce à la diversité des destins des 7 personnages dont on pénètre la pensée, une esquisse vivante de la planète et des extraterrestres apparaît dans l’esprit du lecteur. L’apprentissage des technologies se fait pas à pas et il n’est pas rare que l’un des chapitres à suivre mette sur le devant de la scène un élément qui n’était qu’effleuré auparavant.
Yoss parvient, avec talent, à faire entrer le lecteur très rapidement dans chacune des histoires, lui permettant de s’attacher, le temps de quelques pages, à un destin, et le poussant à guetter les liens qui unissent les différents personnages. Plus haut, je vantais sa maîtrise de la forme courte, et ce, non seulement pour cette capacité à créer des personnages attachants et à entraîner rapidement le lecteur, mais également pour sa capacité à se renouveler et à tester des structures différentes.
La construction n’est pas toujours la même et il sait aussi bien manier une scène d’action déterminante qu’un entretien, qu’un quasi-monologue où l’on ne fait que deviner l’interlocuteur ou qu’un récit se déroulant sur une plus longue période.
Pour toutes ces raisons, je vous recommande vivement la lecture de cet ouvrage.
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